09/10/2018

Des fleurs pour Masami

Rue du Télégraphe, il faut traverser un cimetière pour soudain, voir surgir un champ de fleurs à l’arrière d’un château d’eau. Oui, nous sommes bien en plein cœur de Paris, en compagnie de Masami Lavault, lauréate de la première saison des Pariculteurs : sur ce terrain du 20e arrondissement, elle produit des cosmos, des agérates ou des zinnias, en tout une trentaine de variétés de fleurs qui n’attendent que d’être mises en bouquet. Visite sur site, le sécateur à la main.
D’où est venue l’idée de faire pousser ici des fleurs coupées?
Nous sommes trois à nous être installés sur ce terrain, l’association Pépins Productions, qui porte le projet d’une pépinière de quartier, Interface Formation, qui favorise l’insertion grâce à des chantiers d’espaces verts, et enfin ma structure, Plein Air, qui produit des fleurs coupées. D’après mes recherches, le lieu, qui appartenait au cimetière, était autrefois proche d’une briqueterie, ce qui explique que le sol présente des traces de mercure et de plomb interdisant la production de fruits et légumes. Il fallait donc réussir à valoriser cette chance incroyable de pouvoir cultiver en pleine terre à Paris, sans que les plantations comportent de danger pour les consommateurs. Les fleurs coupées ne présentent aucun risque. 

Quelle a été le principal défi lors de l’installation?
J’avoue que j’ai eu une mauvaise surprise en arrivant : la parcelle avait dormi pendant trente, quarante ans, mais ce n’était pas une pelouse, c’était du chiendent ! Il faut savoir que le chiendent est une plante extrêmement délicate à éliminer, qui s’étend par rhizome : le moindre petit morceau de racine resté dans le sol la fait repartir, c’est sans fin. Je me suis donc heurtée à la difficulté du défrichage. Comme je me refusais à employer un engin lourd comme une mini-pelle pour ne pas abimer le sol, j’y suis allée à la main, au croc et à la grelinette : 1m2, cela correspond à une heure de travail, il y en avait en tout 1 200, et malheureusement ce n’est pas fini! Et puis ensuite, il a tout fallu mettre en place, la serre, le système d’irrigation, le réseau de livraison… Mais cela valait le coup, je vais avoir bientôt 33 rangées pour une trentaine de variétés. L’association Pépins Production va probablement planter aussi, du coup il y aura une petite centaine d’espèces, en rotation.

Que représente pour vous l’appel à projets des Parisculteurs ?
Les Parisculteurs m’ont offert la stabilité : avant, j’avais un terrain à Montreuil, mais les contrats avec les mairies sont précaires et sont en général renouvelés tous les ans. Ce que nous permet les Parisculteurs, c’est le long terme ; des baux longs, jusqu’à 12 ans. La mairie de Paris nous donne la chance de nous implanter vraiment : concrètement, cela signifie que je vais pouvoir diversifier ma palette de plantations, l’élargir aux vivaces, des plantes qui vont mettre trois ans à pousser, et planter une haie. Accéder au foncier de façon pérenne est une vraie chance, cela change tout : je m’en rends compte tous les matins, j’ai monté un circuit de production ultra-local et  je réalise mon rêve dans ma ville natale. C’est ma sueur qui s’est transformée en fleurs!

D’ailleurs, quelle est votre fleur préférée parmi celles que vous récoltez ?
Je les aime toutes, car je ne choisis que les variétés qui m’intéressent, des agérates, des cosmos, des amaranthes, des dahlias, des rudbeckias, des craspedias, du millet, des coreopsis, de la menthe... Je vais choisir les plantes de la saison prochaine en novembre, pour moi c’est un peu Noël avant l’heure. Je livre les fleuristes et vends sur place aux particuliers, qui peuvent me contacter via mon compte Instagram, pleinairparis. Et tous les samedis jusqu’en octobre, j’ouvre le lieu pour les curieux qui souhaiteraient venir me voir.