Rue du Télégraphe, il faut traverser un cimetière pour soudain, voir surgir un champ de fleurs à l’arrière d’un château d’eau. Oui, nous sommes bien en plein cœur de Paris, en compagnie de Masami Lavault, lauréate de la première saison des Pariculteurs : sur ce terrain du 20e arrondissement, elle produit des cosmos, des agérates ou des zinnias, en tout une trentaine de variétés de fleurs qui n’attendent que d’être mises en bouquet. Visite sur site, le sécateur à la main.
D’où est venue l’idée de faire pousser ici des
fleurs coupées?
Nous sommes trois à nous être installés sur
ce terrain, l’association Pépins Productions, qui porte le projet d’une
pépinière de quartier, Interface Formation, qui favorise l’insertion grâce à
des chantiers d’espaces verts, et enfin ma structure, Plein Air, qui produit
des fleurs coupées. D’après mes recherches, le lieu, qui appartenait au
cimetière, était autrefois proche d’une briqueterie, ce qui explique que le sol
présente des traces de mercure et de plomb interdisant la production de fruits
et légumes. Il fallait donc réussir à valoriser cette chance incroyable de
pouvoir cultiver en pleine terre à Paris, sans que les plantations comportent
de danger pour les consommateurs. Les fleurs coupées ne présentent aucun
risque.
Quelle a été le principal défi lors de
l’installation?
J’avoue que j’ai eu une mauvaise surprise
en arrivant : la parcelle avait dormi pendant trente, quarante ans, mais
ce n’était pas une pelouse, c’était du chiendent ! Il faut savoir que le
chiendent est une plante extrêmement délicate à éliminer, qui s’étend par
rhizome : le moindre petit morceau de racine resté dans le sol la fait
repartir, c’est sans fin. Je me suis donc heurtée à la difficulté du
défrichage. Comme je me refusais à employer un engin lourd comme une mini-pelle
pour ne pas abimer le sol, j’y suis allée à la main, au croc et à la
grelinette : 1m2, cela correspond à une heure de travail, il y
en avait en tout 1 200, et malheureusement ce n’est pas fini! Et puis ensuite,
il a tout fallu mettre en place, la serre, le système d’irrigation, le réseau
de livraison… Mais cela valait le coup, je vais avoir bientôt 33 rangées pour
une trentaine de variétés. L’association Pépins Production va probablement
planter aussi, du coup il y aura une petite centaine d’espèces, en rotation.
Que représente pour vous l’appel à projets des Parisculteurs ?
Les Parisculteurs m’ont offert la
stabilité : avant, j’avais un terrain à Montreuil, mais les contrats avec
les mairies sont précaires et sont en général renouvelés tous les ans. Ce
que nous permet les Parisculteurs, c’est le long terme ; des baux longs, jusqu’à
12 ans. La mairie de Paris nous donne la chance de nous implanter vraiment :
concrètement, cela signifie que je vais pouvoir diversifier ma palette de
plantations, l’élargir aux vivaces, des plantes qui vont mettre trois ans à
pousser, et planter une haie. Accéder au foncier de façon pérenne est une vraie
chance, cela change tout : je m’en rends compte tous les matins, j’ai monté
un circuit de production ultra-local et je réalise mon rêve dans ma ville
natale. C’est ma sueur qui s’est transformée en fleurs!
D’ailleurs, quelle est votre fleur préférée parmi
celles que vous récoltez ?
Je les aime toutes, car je ne choisis que
les variétés qui m’intéressent, des agérates, des cosmos, des amaranthes, des
dahlias, des rudbeckias, des craspedias, du millet, des coreopsis, de la menthe...
Je vais choisir les plantes de la saison prochaine en novembre, pour moi c’est
un peu Noël avant l’heure. Je livre les fleuristes et vends sur place aux
particuliers, qui peuvent me contacter via mon compte Instagram, pleinairparis.
Et tous les samedis jusqu’en octobre, j’ouvre le lieu pour les curieux qui souhaiteraient
venir me voir.