La cloche a sonné, dans le 16e arrondissement de Paris, et la cour du collège Eugène Delacroix se vide. Vite, les élèves filent dans l’escalier rejoindre leur salle de classe. L’un d’entre eux n’a pas de cartable au dos, et pour cause : Hugo Lentz fait partie de la start-up Agripolis, spécialisée dans le développement de l’agriculture urbaine sur les surfaces inutilisées des villes. Au 3e et 4e étages du collège, l’entreprise a investi deux terrasses vacantes de l’établissement scolaire, soient environ 800 m2 de cultures.
Si pour les écoliers, l’année
débute à peine, pour Agripolis, le temps des récoltes est bientôt
terminé : “Notre emploi du
temps est à l’inverse de celui des collégiens, s’amuse Hugo Lentz. Notre pic de production se situe en effet en
juillet-août, au moment des vacances d’été, ensuite nous faisons relâche à
partir de novembre avant de relancer l’activité en janvier,”
précise-t-il. Heureusement, ce calendrier en décalé n’empêche pas les
agriculteurs urbains de soigner leurs plantations : “Nous travaillons en autonomie,
en totale confiance avec l’établissement scolaire, explique Hugo
Lentz. Cela nous permet d’accéder au toit
le week-end ou pendant les congés, quand le collège est fermé.” Tout en
haut du bâtiment, une forêt de mâts rivalise avec, dans le lointain, la
silhouette effilée de la tour Eiffel : ici, les plantes sont cultivées en
hydroponie. Le système de culture installé par Agripolis mise en effet sur des
colonnes de bambou verticales agencées à des gouttières horizontales, qui
amènent de l’eau et un cocktail de minéraux jusqu’aux pieds des plantes. Au printemps, il faut voir les tiges
s’enrouler sur les tuteurs : des tomates, mais aussi des fraises, des
poivrons, des aubergines… Ces dernières, “très réussies, de bonne taille,” se réjouit Hugo, viennent
tout juste d’être récoltées, ce qui boucle le cycle de production pour 2018.
Avant le grand nettoyage
En cette fin septembre, les
employés d’Agripolis se préparent à l’hivernage : laisser tourner les
systèmes à fond pour une dernière cueillette, avant le grand nettoyage des
installations. “Il est difficile de
vendre les produits de fin de saison, alors on va les transformer, conclut
le responsable technique. Pour ce faire,
nous avons signé un partenariat avec une entreprise installée à Evry, la Corbeille
à confitures.” Comme son nom l’indique, la petite société mettra en
pots les ultimes fruits poussés sur le toit du collège Delacroix, lesquels
seront vendus sur les rayonnages des épiceries fines franciliennes. “D’ici bientôt deux semaines, il n’y
aura plus rien sur la terrasse !” conclut Hugo. Les mois d’hiver
s’annoncent cependant bien occupés pour les occupants de la toiture du
collège : première année oblige, les process de cultures doivent encore
être peaufinés. “Pour nous, c’était
une année test, avoue Hugo Lentz. Nous
avons subi quelques déboires en termes de production, mais les poivrons étaient
excellents et nous sommes également très fiers de nos fraises. Ce sont sur ces
produits phares que nous allons concentrer nos efforts en 2019.” Au menu,
recherche et développement, d’abord pour allonger la durée de la saison de
production, mais aussi pour augmenter le rendement des rangées de fruits et de
légumes. Car les récoltes s’écoulent vite : en 2018, la start-up a bénéficié de
l’intérêt de nombreux acteurs, à l’image de la toute jeune épicerie Alma, une
épicerie 100% dédiée à l’agriculture urbaine dans le 11e
arrondissement. “Comme nous, c’est
une structure toute neuve, pour un marché qui commence à s’ouvrir, ce qui est
très positif.” Heureusement, la toiture, sans ombre portée – un cas
rare dans la jungle parisienne – laisse entrevoir de belles marges de manœuvres
aux jardiniers des villes. Rendez-vous en 2019 donc, sous le soleil.