Les Parisiens seraient-ils de plus en plus friands de fruits et de légumes bio et de saison? Après s’être intéressé à l’agriculture urbaine, l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) prolonge sa réflexion en se penchant sur l’essor de l’alimentation durable dans
la capitale. Publiée à l’automne 2018, son étude révèle un véritable engouement pour les produits bio et locaux, qui participe
à la vivification des circuits courts mettant en lien cultivateurs franciliens et Parisiens. Parmi eux, les Parisculteurs participent
à la production et la circulation de produits durables. Décryptage avec Dominique Alba, directrice générale de l’APUR.
Selon votre étude, les
préoccupations en matière d’alimentation durable entrainent un véritable
renouveau dans le paysage commercial parisien ; comment se matérialisent-elles
dans la capitale?
Depuis
2011, Paris connaît une très forte augmentation du nombre de commerces en
alimentation durable : 80 % des épiceries bio ou locales ont été ouvertes
après cette date. Dans notre étude, nous constatons d’une part la progression des
grandes enseignes, à l’image de Naturalia ou de Biocoop, qui ont triplé leurs
points de vente - de 55 magasins en 2011, ils sont passés à 157 en 2017 - mais
aussi l’apparition de commerces plus petits. On compte 88 épiceries en
alimentation bio ou locale dans la capitale, un chiffre qui a certainement déjà
augmenté ; en moyenne, un magasin de ce type ouvre chaque mois à Paris.
Bien sûr, cet essor recouvre des réalités très hétérogènes ; ce qui nous a
paru important, c’est le développement des circuits courts, qui mettent en lien
l’agriculteur francilien et le Parisien, à l’image des AMAP ou de la Ruche qui
dit oui. En plus de ces deux types de structures, de nombreux réseaux
indépendants de taille plus modeste se mettent en place ; onze groupements
se sont spécialisés dans la distribution de paniers, à Paris qui est couvert
par plus de 120 réseaux de circuits courts, ce qui est très important. Cela témoigne
d’un mouvement extrêmement puissant qui s’accélère depuis 2014.
Quels sont aujourd'hui
les freins qui pourraient entraver le développement de ces circuits courts sur
le territoire parisien?
Notre
étude est une première approche ; le modèle économique de ces circuits
courts reste encore à formaliser. Il ressort des entretiens que nous avons
menés auprès des épiceries bio et locales que le frein principal concerne la
logistique, coût d’un véhicule, frais de stationnement, etc. A Paris, les
circuits courts représentent néanmoins un mode de faire particulièrement
efficace, car tous les consommateurs sont rassemblés sur une petite
surface ce qui permet à l’agriculteur d’écouler facilement sa production. Ce
système est vertueux : une fois le lien tissé, les structures s’organisent
de mieux en mieux, ce qui profite au cultivateur comme au consommateur. Or, dans les pistes que nous avons étudiées
pour soutenir cette dynamique, nous étions attachés à ce que l’ensemble de la
population puisse bénéficier de cet engouement ; entre les boutiques
d’enseigne et les circuits courts, les chaines de valeurs ne sont les mêmes ;
la gamme de prix va être assez élevée dans les premiers, tandis que les
réseaux, à Paris, profitent à tous. Mobiliser par exemple les rez-de-chaussée
avec des loyers bas dans les secteurs carencés, permettrait de supporter ce
développement en réseau, au service de toute la population parisienne.
Au vu de cet essor, quel
rôle a joué l'appel à projets des Parisculteurs? Quels manques la troisième
saison, qui sera lancée début 2019, pourrait-elle venir combler?
Les
Parisculteurs sont extrêmement intéressants car ils rendent visibles les fruits
et les légumes dans la ville, ce qui est considérable pour des Parisiens qui ne
les y ont jamais connus et ne les achetaient parfois plus. Parmis les
producteurs identifiés à Paris,
Agripolis, Aéromate et la Caverne sont issus des appels à projet Parisculteurs.
Pour
la saison 2019, il nous paraît important de continuer à tisser des liens
avec les commerces alimentaires, les transformateurs comme les brasseries ou
les conserveries, les restaurateurs. Tout cela enrichit le circuit parisien et
participe à cette dynamique de réseaux. L’étape supérieure pourrait être d’associer
au sein d’un même dispositif une production en ville, une production a la campagne
et des consommateurs. En termes de production, proposer une offre plus riche en
matière de protéines, par exemple en diversifiant les variétés de champignons
cultivés, constituerait un plus.
Enfin,
d’avoir lancé un appel à projets pour cultiver la promenade Barbes-Chapelle-Stalingrad nous paraît très prometteur. C’est un quartier densément peuplé, jeune,
où les installations de commerces alimentaires sont encore rares : les
enjeux n’y sont pas seulement nourriciers, mais relèvent aussi de l’espace public.
Retrouvez
l’étude sur l’alimentation durable à Paris :
https://www.apur.org/fr/nos-travaux/alimentation-durable-paris
Retrouvez l’étude sur l’agriculture urbaine à Paris :
https://www.apur.org/fr/nos-travaux/une-agriculture-urbaine-paris