Bienvenue à la coccinelle, la mésange ou l’abeille : à la Direction des Espaces Verts et de l’Environnement, Philippe Jacob est responsable de la division de la biodiversité. Il nous a expliqué comment bien l’accueillir dans ses cultures.
Par quels moyens peut-on concilier agriculture urbaine et biodiversité ?
Philippe Jacob : Je rappelle souvent que la biodiversité n’est pas une ennemie mais une alliée des cultures. Il y a un insecte, une herbe, une limace, et alors ? Ce n’est pas le puceron qui est dangereux, c’est son surnombre. Plus l’agriculteur ou le jardinier observe la nature, plus il peut l’utiliser à son avantage. Regarder, déterminer l’impact sur les cultures, puis agir de façon proportionnée, avec des techniques naturelles, du savon noir, du bicarbonate, des produits bio en cas d’aléas climatique et d’attaque de champignons, est souvent suffisant. Lorsqu’il est proche de l’équilibre, le milieu s’autorégule: une faune, flore, fonge viable, va attirer des animaux comme les oiseaux ou les chauves-souris. Si des parasites arrivent, ils seront éliminés spontanément : pour nourrir ses jeunes, un couple de mésanges charbonnières attrape quantité d’insectes, une larve de coccinelle, une chrysope dévore nombre de pucerons. Mais pour cela, il faut laisser le temps au temps et à la nature.
Quelles recommandations pratiques donneriez-vous à un Parisculteur pour des cultures respectueuses de la biodiversité?
Philippe Jacob : Que ce soit dans le cas du jardinage ou de l’agriculture urbaine, le cultivateur a tout intérêt à diversifier les milieux : en ville, les conditions sont particulières notamment sur les toits et les terrasses, exposés au vent, au soleil. Entre le froid et l’extrême chaleur, les plantes souffrent, il faut donc penser à aménager : veiller à une épaisseur suffisante de substrat, faire de l’ombre, installer une réserve d’eau, sont des actions simples mais essentielles. Ensuite, je conseille de pailler pour éviter de laisser la terre à nu, et donc de déshydrater le sol ou d’y favoriser l’installation de champignons. Enfin, il faut associer les plantes potagères et fruitières avec d’autres espèces, laisser un pourtour d’herbes autour des planches de légumes. Sur un seul espace, cet ensemble de mesures permet de créer de micro-milieux: plus ils seront nombreux, variés, accueillants et donc vivants, mieux ce sera pour la faune, pour la flore, et donc pour le Parisculteur.
Les insectes sont particulièrement fragilisés par le déclin de la biodiversité : quelles actions permettent de bien les accueillir au potager ?
Philippe Jacob : La ville reste imperméable à la vie : en matière d’écologie urbaine, tous les animaux sont donc considérés en limite de survie pour beaucoup d’entre-eux. Si gites et nichoirs permettent d’accueillir les oiseaux et les chauves-souris, ce type d’installation est aussi très important pour les insectes et tous les invertébrés. Les nichoirs à insectes polyvalents, c’est-à-dire avec plusieurs types d’aménagements intérieurs - bûche percée, paille, briques, pommes de pin, tiges creuses de sureau… - sont plus qu’une compensation ; plus on multiplie les gites, d’estivation, d’hivernation, de reproduction aussi, plus les insectes vont disposer d’une cohorte de milieux protecteurs, favorables à leur cycle de vie, où les abeilles solitaires vont pouvoir pondre leur œufs, par exemple. Enfin, pour les pollinisateurs, dont l’agriculture a particulièrement besoin, plus on varie la végétation dans son jardin avec des espèces régionales, plus ils se sentiront bien : grâce à ces mesures et à la disparition des produits phytosanitaires, dans le cadre du dispositif Zéro pesticides, nous avons ainsi vu les papillons revenir en plein Paris.